mercredi 3 janvier 2018

Déchettologie


1. D’un naufrage

Il y a des siècles
En mer de Chine déchaînée
Fit naufrage un navire trop rempli de vaisselle.

Des siècles après
En mer de Chine très calme
Des plongeurs remontèrent la belle porcelaine

Le navire, lui, ils ne le remontèrent point.
Dépouillé, esseulé, il fut abandonné
À sa disparition définitive.

Dans le cas d’un moyen de transport surmené
Ce procédé me paraît acceptable quoique peu élégant ;
Je vous épargne mon avis quand il s’agit d’humanité ambitionnée.

Finir pillé, passablement seul
Et abandonné jusqu’à disparition définitive
Chez ces gens-là, est dans les éventualités existentielles.

En ce qui concerne les choses désirables
Chargement excessif coresponsable du naufrage
Personnellement, je préférerais les laisser au fond du trou.

Ceci ne profiterait pas seulement au moral de l’épave
Mais nous donnerait en outre l’impression que justice existe
Et qu’il y a même des régulations valables dans les pires tempêtes.


2. Attention à ce qu’on veut adopter

Un petit bout de truc avec un poisson dessiné dessus
Fut jeté à la mer, puis adopté par les sardines
Et intégré dans leur bel ensemble.

Quand l’essaim avançait, hardiment il avançait avec.
Quand l’essaim s’enfuyait, peureusement il s’enfuyait avec
Mais quand l’essaim s’alimentait, lui ne s’alimentait pas vraiment.

Vinrent des requins pour s’attaquer à l’ensemble.
Mangèrent toutes les sardines et mangèrent le déchet avec.
Si ça ne peut pas manger correctement, ça peut être mangé, ça
_____________________________________________oui.

C’est qu’il est tout en bas de la chaîne alimentaire.
Peut pas bouffer, le malheureux, mais peut être bouffé ;
Il faut prendre en pitié l’immangeable par nature, non par sort.

Disons-lui une messe, à notre frère
Une messe maritime comme pour les naufragés :
On n’est chez soi que lorsqu’on sait faire comme les autres.

[Quand vous jetez, n’oubliez pas que tout finira à la mer, et quand vous récupérez, n’oubliez pas que tout nous vient de la mer. Que l’on pille les épaves ou balance un truc dans la cuvette, n’oublions pas le sort scellé portant le beau nom de « mer ».
Avant, on mangeait et on chiait tranquilles. Avant, chacun habitait son île avec une destinée bien circonscrite, mais en incorporant la non-limite, notre destin commun est devenu fluctuant, tout dépend désormais de ce que le libre arbitre rejette et de ce qu’il récupère – et toujours en rapport avec la flotte qui entoure, immensité en fin de compte pas aussi immense que ça. Pas plus qu’un vulgaire seau d’eau qui ne nous semble au-dessus de nos moyens que lorsqu’on se sent dans l’obligation de l’avaler d’une traite.]


2 Janvier 2018

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